Etymo(égo)logies

 

…une de nos servitudes majeures : le divorce accablant de la mythologie et de la connaissance. La science va vite et droit en son chemin ; mais les représentations collectives ne suivent pas, elles sont des siècles en arrière, maintenues stagnantes dans l’erreur par le pouvoir, la grande presse et les valeurs d’ordre.

Roland Barthes, Mythologies, Seuil, 1957

… Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer. II est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière…

Marcel Proust, À la recherche du temps perdu.
Du côté de chez Swann, 1913.

Manuscrit A la recherche du temps perdu, Marcel Proust

Les mots sont labyrinthiques… On peut les trouver au détour d’un dictionnaire dans une forme plus ou moins figée : là on tente de leur trouver un ou plusieurs sens communs, une plateforme collective qui œuvre à la grande communication globale des hommes dans la cité… Les significations de ces mots d’ailleurs évoluent dans le temps et concourent à remplir les pages ô combien passionnantes du Dictionnaire historique de la langue française (ouvrage collectif sous la direction d’Alain Rey, éd. Le Robert, 2006) qui parcourt les strates archéologiques de la langue.

Et puis il y a les autres mots… Ceux plus proches de nous, irréductibles et insolubles dans l’eau, happés par notre affectif, notre histoire, et qui constituent notre poésie et mythologie personnelle… La madeleine proustienne (gâteau galvaudé à l’excès et mis à toutes les sauces) est unique, ce gâteau que tout un chacun peut reconnaître, devient dans l’histoire de Marcel l’objet unique et infalsifiable d’un souvenir enfoui… sa madeleine, même si elle est empruntée au commun des mortels, ne ressemble à aucune autre… Elle est un trésor de la langue proustienne que nous n’effleurons de l’esprit que parce que Marcel Proust l’a rendue public dans un livre… Ces trésors cependant n’appartiennent pas qu’aux grands écrivains, chacun dans le quotidien use de mots qui, bien qu’ils aient un air de ressemblance avec des mots communs définis par le dictionnaire, désignent tout autre chose…

Ces mots participent à notre mythologie personnelle, et sont réinvestis totalement par notre imaginaire…

Cette rubrique tentera d’inventorier nos trésors lexicologiques, ces carrefours du langage labyrinthique qui constitue notre étymo(égo)logie…

Par ailleurs j’essaierai aussi de décrypter un autre type de vocabulaire qu’on appelle communément le « politiquement correct » mais que l’on devrait appelé le « langage policé »…

Quand les litotes nous prennent pour des linottes… ou quand les vessies finissent par nous éclairer…

4 Comments Etymo(égo)logies

  1. sylvie

    j’adore la citation de Barthes. Mais j’adore Barthes, en fait, tout ce qu’il a écrit, même « la leçon », j’ai adoré! pour dire!!!

  2. sylvie

    Sébastien, je me suis permise de penser à toi. tu es le chat!( va donc voir mon blog un challenge t’y attends)… les 7 secrets…

  3. Anonymous

    Eh bien, c’est dommage d’en rester là, non? A quand la suite? (J’attends beaucoup du « langage policé ».)

    Ekwerkwe

  4. Sébastien

    Merci Ekwerkwe,

    tu as tout a fait raison ! il ne faut pas en rester là… Je vais tacher de reprendre du service 🙂 et je ne dirais qu’une chose : reste fane de carottes !

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