On parle peu de poésie en ce siècle. Pourtant ce ne sont pas les poètes qui manquent… peut-être les lecteurs de poésie. Ce poète, Ange-Philippe Léotard Tomasi, a le nez rouge. Ce même nez qui trône au milieu de la face du clown, appendice factice et joyeux qui sert de façade burlesque, mais qui est en réalité n’est qu’un mirage qui cache le visage et la gaucherie d’un ivrogne dont la folie désabusée fait rire.
Autoportrait du « je » par Léotard qui se considérait avant tout comme un comédien de la vie (« Je suis bailli par une ombre plus profonde en moi que moi-même, pour exercer cette magie d’être plus lumineux, voire plus brillant que les innombrables soleils qui m’éclairent. A d’autres le soin de me sortir des souillures qui ne viennent que d’eux, à d’autres de me « détacher » s’ils veulent s’approprier. », p. 107)… Un comédien, un clown, un poète, quelle différence ? Tout cela ne sert à rien. Irrésistiblement romantique, né sans doute un siècle trop tard, ce Léotard est un croisement anarchique et assumé entre Rimbaud et Prévert, entre Jim Morrison et Léo Ferré, un saltimbanque de l’infortune, aux vers brûlés, à l’haleine lourde et au regard lucide et inquiet (« Je suis comme tous les hommes, mais comme je suis plus inquiet, tous les hommes en moi prennent des proportions plus terribles. Et inversement. Dans tous les sens. », p.155). Ce livre, s’il est plein de verve et de phrases qu’on retiendrait volontiers, ne révolutionne pas la forme poétique, certes non! Mais il offre un lyrisme de fin de siècle (de fin de partie dirait Beckett) saisissant, où le « je », plein de hargne et d’amour, de « demis-mots amers », déborde du carcan qui l’emprisonne (« Si j’ai donc écrit au lieu de proférer ou de hurler, c’est par lassitude. Oui, c’est par fatigue, c’est par… c’est parce que chaque fois que j’ai voulu parler sincèrement, on m’a pris fermement, amicalement, par le bras et on m’a dit ‘Ne vous énervez pas, s’il vous plaît, calmez-vous!…’ » préface de l’auteur). On y croise les fantômes, des « amis partis » trop tôt qui hantent la mémoire et le verbe du poète, on y rencontre l’amour, le cinéma…
Et qui plus est, on peut les écouter en musique ces poèmes. Un genre particulier, comme un vieux blues aviné sorti d’un roman noir décadent, un accordéon mélancolique, une voix rauque et rocailleuse, souvent déstabilisée par son propre vocable, sa propre émotion. L’album qui reprend les poèmes de ce livre s’appelle A l’amour comme à la guerre, dont voici le morceau choisi : La jeune fille interdite. A lire et à écouter.
Un petit mot en passant, l’occasion de relire ce billet, et celle aussi de te souhaiter une excellente année !
Merci, bonne année à toi également…
Je me suis offert quelques jours de vacances supplémentaires, histoire de liquider mes congés. L’activité labyrinthique reprendra bientôt !
Ce n’est pas que factice le nez de l’artiste. Ses vers ont l’accent tourbé des loch et des purs malt qui emplissaient ses verres partagés avec quelques potes qui trouvaient notamment que c’est beau une ville la nuit.
Le clan des poètes disparus ?
joli billet sensible qui donne envie d’écouter et de lire aussi, pourquoi pas…
Bonne année à toi Sébastien:)
j’aimais sa voix et sa gueule cassée…
Bonne année Seb.