Chant de Sirènes

John Mallord William Turner (1775-1851) - Crayon et aquarelle - 22 x 28 cm

Seelisburg au clair-de-lune, John Mallord William Turner (1775-1851) – Crayon et aquarelle – 22 x 28 cm

…Si je reprends haleine, c’est pour escalader les pentes
Où perché sur l’encolure d’un éperon rocheux
A l’auvent de ma paume que les fétides effluves orientent
Je vois que six arbres à la sève tarie
Nos gorgones chenues inscrire sur un brouillard de feu
Leurs profils géminés mordant au tronc des tubercules
Momies des cavernes qui ne semblent vêtues que de leur ombre
Dans la brume argentine où leurs mains gesticulent
Quelle hargne sombre vous endiable, méduses baveuses,
A lancer au rebours du vent vos gerbes de déraison !
Et moi qui gardait si pur le grand rire de l’enfance,
Moi qui fus naguère ce fier garçon si dur à fléchir,
Elles m’ont tiré de mes franchises pour m’attirer en leur gîte
Et fermerais-je les yeux, c’est encore leur voix que j’entends
Rongeuses, âpres à nuire dans la séduction de leur invite !
Comprends-moi dont la svelte gloire est aujourd’hui éteinte,
Cette citadelle agreste fut le théâtre de ma passion
Et dans ma mémoire souffrante qui est mon seul avoir
Je cherche où l’enfant que je fus a laissé ses empreintes.

René-Louis Des Forêts
Les Mégères de la mer, Poésie Gallimard, 1967, p.26

Ecrire dans les marges

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