des coquelicots — Samantha Barendson

des coquelicots

Samantha Barendson
pré # carré 71 / Hervé Bougel
Couverture par Aline Coton

Amapolas / Des coquelicots, Samantha Barendson - Couverture réalisée à la main par Aline Coton

Ce court recueil, des coquelicots de Samantha Barendson partage avec la fleur bien d’autres similitudes que sa magnifique couverture rouge illustrée par Aline Coton.

« Il a dit
Je ne sais pas partir
Et j’ai attendu
Qu’il reste »

Le rouge de la passion envahit le poème, absorbé par la capillarité de la page, aussi lentement et sûrement que la chaleur envahit le corps sous l’action du plaisir. C’est une passion dévorante qui promet l’exil, le voyage vers « la mer du Nord » , c’est une passion argentine dans les rues de Buenos Aires, où le rouge des coquelicots se mêle au rouge « d’un danseur de tango », du rouge à l’émoi, du trouble érotique jusqu’au sang  :

« Il a ouvert une grenade
Les grains un à un
Comme du maïs carmin
Dans sa bouche coquelicot
Que j’ai mordu jusqu’au sang
»

Au rouge de la fleur s’ajoutent le bleu de la mer et le blond du sable (ou des blés) et ces couleurs vibrantes donnent au poème une composition picturale découpée par plan chromatique :

« Nous regardons la mer
Assis dos à la dune
Il suffirait d’un pas
Pour m’emmener en voyage »

Samantha Barendson explore les symboliques multiples du coquelicot, jusqu’en son aspect morphique (le coquelicot, fleur de la famille des pavots, est un des attribut de Morphée, qui lui donne le pouvoir de léthargie) :

« Et lorsque tu t’endors […]
Je m’endors rescapée
Teintée de sable clair
Ton mât
La mer »

Mais comme le coquelicot commence à se faner aussitôt qu’il est cueilli, la passion proportionne son intensité à sa fugacité et finit par partir, par ne pas rester… « Qu’il parte » sont d’ailleurs les derniers mots du recueil et sonne comme une injonction fataliste, une prière libératrice qui tombe comme un couperet et affirme le renoncement face à ce qui ne sait « pas rester ». C’est pourtant ce qu’avait annoncé l’ouverture du poème (cf. la première citation ci-dessus). On ne croit jamais les oracles, on feint toujours d’ignorer la fin et c’est le destin qu’on défie… Oui ! il y a un peu de la tragédie grecques dans ces coquelicots…

En explorant les étymologies linguistiques du coquelicot, j’ai été surpris d’apprendre que le nom en français est un dérivé direct de l’onomatopée du coq dont la crête évoque la couleur de fleur. La langue française a l’art parfois de faire des coqs à l’âne en transformant en un nom aux consonances poétiques un mot désignant quelque chose beaucoup plus prosaïque.

En turc, par contre, coquelicot se dit gelincik, et signifie petite mariée… dans mon imaginaire, cette étymologie est comme un rubis ajoutant la dernière touche à ce très beau poème.

Ecrire dans les marges