Save love to love in love replies – Kathleen Raine

Raphaël (1483-1520), Étude de la sibylle phrygienne, 1511-1512, pour la peinture murale des quatre Sibylles, chapelle Santa Maria della Pace à Rome, Bristish Museum, Londres. © AKG Images/Erich Lessing.

Raphaël (1483-1520), Étude de la sibylle phrygienne, 1511-1512, pour la peinture murale des quatre Sibylles, chapelle Santa Maria della Pace à Rome, Bristish Museum, Londres.
© AKG Images/Erich Lessing.

« Tant d’éparses feuilles
Que fait choir la Sibylle
De l’arbre vivant.
Recueille qui le veut ses oracles,
Les croie qui peut –
Toutes les vérités mensonges
Sauf que l’amour à l’amour dans l’amour répond. »

« So many scattered leaves
The Sybil shakes
From the living tree.
Gather who will her oracles,
Believe who may –
All Truths are lies
Save love to love in love replies. »

Kathleen Raine, Sur un rivage désert, Ed. Granit, 1978
Traduit par M.-B. Mesnet et J. Mambrino

Ecrire en marge

L’empreinte — Anna de Noailles

Le Cœur innombrable

Anna de Noailles,
Calmann Levy, 1901
Lire le recueil sur Gallica

 De-Noailles-Comtesse-Le-Coeur-Innombrable

Laszlo_-_Anna_de_Noailles

 

L’empreinte

Je m’appuierai si bien et si fort à la vie,
D’une si rude étreinte et d’un tel serrement,
Qu’avant que la douceur du jour me soit ravie
Elle s’échauffera de mon enlacement.

La mer, abondamment sur le monde étalée,
Gardera, dans la route errante de son eau,
Le goût de ma douleur qui est âcre et salée
Et sur les jours mouvants roule comme un bateau.

Je laisserai de moi dans le pli des collines
La chaleur de mes yeux qui les ont vu fleurir,
Et la cigale assise aux branches de l’épine
Fera vibrer le cri strident de mon désir.

Dans les champs printaniers la verdure nouvelle,
Et le gazon touffu sur le bord des fossés
Sentiront palpiter et fuir comme des ailes
Les ombres de mes mains qui les ont tant pressés.

La nature qui fut ma joie et mon domaine
Respirera dans l’air ma persistante ardeur,
Et sur l’abattement de la tristesse humaine
Je laisserai la forme unique de mon cœur.

On ne lit plus beaucoup Anna de Noailles. Ce livre, par exemple n’a pas été réédité par Grasset depuis des lustres. Il n’existe pas en livre de poche. Fort heureusement, étant entré dans le domaine public, on peut le lire sur Gallica…

Plage de Calais à marée basse ; Joseph Mallord William Turner

C’est encore un poème que j’ai découvert grâce à  la magnifique interprétation d’Angélique Ionatos, que voici.

Ecrire en marge

Quand quelque chose disparaît…

 

Deux titres de Keren Ann et un autre de Lhasa qui m’ont toujours beaucoup bouleversé, aussi bien dans l’intention que dans la forme. Mais si je les pose ici, c’est que ces trois chansons me servent de préambule musical à la longue lecture de Lettre d’une inconnue de Stephan Sweig qui va donner lieu à une lecture approfondie.

Lettre d'une inconnue, de Max Ophuls

C’est à toi seul que je veux m’adresser ; c’est à toi que, pour la première fois, je dirai tout ; tu connaîtras toute ma vie, qui a toujours été à toi et dont tu n’as jamais rien su. Mais tu ne connaîtras mon secret que lorsque je serai morte, quand tu n’auras plus à me répondre, quand ce qui maintenant fait passer dans mes membres à la fois tant de glace et tant de feu m’aura définitivement emportée. Si je dois survivre, je déchirerai cette lettre, et je continuerai à me taire. Mais si elle arrive entre tes mains, tu sauras que c’est une morte qui te raconte sa vie, sa vie qui a été à toi de sa première à sa dernière heure. N’aies pas peur de mes paroles : une morte ne réclame plus rien ; elle ne réclame ni amour, ni compassion, ni consolation. La seule chose que je te demande, c’est que tu croies tout ce que va te révéler ma douleur qui se réfugie vers toi. Crois tout ce que je te dis, c’est la seule prière que je t’adresse ; on ne ment pas à l’heure de la mort de son unique enfant.

Stephan Sweig, Lettre d’une inconnue


 

A propos de la photo

  • Lettre d’une inconnue, film réalisé par Max Ophuls dont on lira une critique ici.
Ecrire en marge

A une passante — Charles Baudelaire

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?

Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !

Félicien Rops - Le Werwolf

 

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