Les Arnaqueurs — Jim Thompson

Les Arnarqueurs
The Grifters

Jim Thompson,
Rivages/Noir
traduit de l’américain par Claude Musson

Les arnaqueurs - Jim Thompson

A ma grande honte, je suis vraiment inculte en matière de roman noir. A part ceux de Vernon Sullivan, aka Boris Vian, et quelques autres, je n’ai quasiment jamais abordé ce genre pourtant bien fourni. Ce n’est pas que je n’aime pas (j’adore les films tirés de ces romans comme Le faucon Maltais ou encore le Grand Sommeil), ni même que j’ai un apriori sur ce genre, non ! Simplement je n’y pense pas. Après avoir lu un billet dans le nid d’Ekwerkwe je me suis décidé à me jeter à l’eau avec Les Arnaqueurs de Jim Thompson.

Le roman suit les trajectoires imbriquées de trois arnaqueurs fondamentalement très différents. Le personnage principal, Roy Dillon, joue dans la cour des petits : solitaire, il applique deux ou trois « trucs » pour gagner quelques dollars faciles, pas de partenaires, pas de coups trop ambitieux, une vie de VRP médiocre qu’on croirait bien rangée, sans luxe apparent malgré un beau magot amassé au fil des ans. Il y a la mère, Lilly, qui joue dans la cour des grands : pour Bobo Justus, un bookmaker mafieux avec lequel on ne rigole pas, elle joue de grosses sommes pour trafiquer les cotes des chevaux sur les champs de courses. Oh bien sûr Lilly joue un peu avec le feu, histoire de se mettre de temps en temps quelques dollars de côté. Il y a Moira enfin, la maîtresse de Roy, qu’on croirait « innocente » mais dont on apprend au fil du roman qu’elle tente de refourguer de faux diamants et qu’elle a passé dix ans avec un autre arnaqueur, Cole « le fermier » qui lui fit vivre ses plus belles années avant de perdre la raison. Moira n’est pas en soi une arnaqueuse, c’est une associée à la recherche de son acolyte, le genre de fille qui use de ses charmes pour mieux amadouer les pigeons.

Le roman commence quand Roy, à la suite d’une petite arnaque, se prend un coup de batte de baseball dans le ventre.

A présent, installé dans sa voiture et reconsidérant les événements, il n’arrivait pas à déceler d’erreur dans sa démarche, il n’y avait eu aucune faille dans son numéro. C’était seulement un manque de chance. Il était tout simplement tombé sur un os, un os imprévisible.
Il devinait juste. Et sans le savoir, il devinait juste aussi pour tout autre chose.
[…] Il pourrait éviter la mort s’il se soignait convenablement. Sinon, il ne lui restait que trois jours à vivre.

La fin du premier chapitre bien sûr donne le ton et le narrateur nous réserve bien des surprises. Lilly, sa mère qu’il n’a pas revue depuis qu’il a quitté la maison familiale, réapparaît soudain et lui sauve la vie en le faisant admettre à l’hôpital. C’est à partir de cette seconde naissance que tout se complique…

La noirceur qui entoure peu à peu ces trois personnalités n’est pas lourde mais vaporeuse, elle s’immisce lentement : lâcheté, mensonge, trahison, instinct de survie, cupidité extrême, amour incestueuse, haine… Le tableau se noircit crescendo, on veut croire avec Roy qu’il y a une issue possible à ce cauchemar, que la rédemption est possible, que même les fantasmes les plus obscures doivent rester inassouvis… Mais quand les engrenages sont en route, plus rien ne les arrête…

C’est un roman court dont la fin fulgurante nous laisse KO au dernier round, comme si on avait soi-même, comme Roy, pris un coup de batte  de baseball dans le ventre.

Ça m’a évidemment convaincu de lire d’autres romans noirs… d’autant plus que, de l’avis de certaines, ce n’est pas le meilleur de Thompson.

Ah j’ai également vu le film qu’en a fait Stephen Frears et je vous suggère d’aller le lire ce que j’en ai pensé dans le nid d’Ekwerkwe (attention je dévoile l’intrigue dans ce second billet).

3 Comments Les Arnaqueurs — Jim Thompson

  1. ekwerkwe

    Tiens, toi aussi (comme Frears) tu as occulté Carole dans ta note de lecture! Elle est bien fade, c’est vrai. Mais sinon elle ne serait pas Carole…

  2. Sébastien

    Oui c’est vrai tiens ! peut-être l’influence du film aussi… Mais Frears n’a pas tort non plus en la mettant en retrait, elle est fade mais surtout elle n’est qu’un « outil » temporaire de Lilly… D’ailleurs Roy ne s’en « sert » pas autrement que pour détourner et satisfaire un tout autre désir. Mais en même temps oui Carol est une victime de ce jeu cruel et méritait quand même que j’en parle.

  3. ekwerkwe

    Carole est surtout un chemin de traverse, un possible retournement de situation, c’est en ça qu’elle est intéressante, finalement.
    C’est curieux d’ailleurs qu’elle paraisse tellement fade, malgré son passé. Thompson en a d’ailleurs un peu trop fait, à mon goût.

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