On n’est pas sérieux quand on a 17 ans !!!

Il y a 17 ans, oui exactement dix-sept années que tu es parti Léo. Léo le loup, Léo le chien qui hurle à la mort les soirs de pleine lune quand les salles de concert sont pleines des volutes de fumées qui lèchent la foule comme des embruns de la marée urbaine… On réécoute et redécouvre tes mots qui, eux, restent inscrits à jamais comme les marques de crocs dans la chair, on y aperçoit l’espoir de jours meilleurs : (« Je vous parle pour dans dix siècles, et je prends date »  invectivais-tu), le désespoir du temps qui « s’en va » et avec lui tout fout l’camp. Tu chantais la révolution, non celle des guillotines qui te fit écrire cette magnifique chanson La mort des loups, mais la révolution par la musique et l’amour : Muss es sein es muss ein ! « Dans la rue la musique…» gueulais-tu ! « Music in the street, la musica nelle estrade, Beethoven Strasse ! » On y croyait, on l’imaginait : le citoyen armé de vinyls entonnant des chants de mélancolie… capables de renverser n’importe quel pouvoir ordre établi.

Tu chantais aussi l’amour, ces deux activités étant pour lui totalement indissociables… Et quand tu parle d’amour, Léo, tu perds les pédales, ne maîtrise plus les mots, ta langue devient plus crue, plus râpeuse que jamais, plus sauvage… Tu se surréalise, t’encubise jusqu’à la moëlle, t’encanaille à te défroquer l’âme…

Parmi ces nombreuses chansons qui disent la joie et la difficulté d’aimer, j’en retiendrais volontiers trois :

– Les amants tristes, quand l’amour et le politique se mêlent, quand l’amour de l’être aimé est indissociable de l’amour pour sa communauté et que la recherche de la liberté ne peut trouver sa véritable voix qu’en suivant ces deux voies parallèles…

Je te lis je te plie je te froisse et tu cries
Quand on froisse la soie la forêt sa copine
Lui fait des cris de sœur lui fait des cris sublimes
La soie du crépuscule a des cris de velours
Dans des lits de parade
Dans ces feuilles d’automne
Des taches de rousseur sur la gueule des bois
Je te lis je te plie je te froisse et tu cries

Au fond t’es un journal…

– cette sublime lettre d’amour pour Christie : Lorsque tu me liras
– et enfin le texte à l’origine de la chanson la Mémoire et la Mer : Les chants de la Fureur

Cette maison gantée de vent
Avec son fichu de tempête
Quand la vague lui ressemblant
Met du champagne sur sa tête
Ce toit sa tuile et toi sans moi
Cette raison de ME survivre
Entends le bruit qui vient d’en bas
C’est la mer qui ferme son livre


 

On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, ? la ville n’est pas loin,
A des parfums de vigne et des parfums de bière…

Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche…
Nuit de juin ! Dix-sept ans ! – On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête…
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête…

Le cœur fou Robinsonne à travers les romans,
Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père…
Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif…
Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…

Vous êtes amoureux. Loué jusqu’à mois d’août.
Vous êtes amoureux. ? Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire… !
Ce soir-là,… ? vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade…
On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.

Arthur Rimbaud, 1870


 

Une petite dernière pour la route… Quand Ferré reprend Trenet en 1980 cela donne ça… Thank you Ferré !!!

2 Comments On n’est pas sérieux quand on a 17 ans !!!

  1. mc d'augé

    et moi itou 🙂 j’aime Léo
    et quelle émotion à l’annonce de sa disparition il y a 17 ans déjà, et c’est J.L. Foulquier qui a fait l’annonce lors des « Franco » où nous étions tous ensemble pour une soirée à la Rochelle : « dans la vie il y a des cactus » …
    merci Seb pour ce billet … je me rappelle Avignon où nous t’avons emmené voir son spectacle « Muss es sein … » c’était en ??? 197.:) mémorable …

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