Être une femme, Désir

Je n’ai pas eu le temps d’y penser que je suis déjà de retour…
Une page se ferme, une autre s’ouvre.
« Être une femme » recèle tellement de volutes changeantes et insoupçonnées que je fais confiance à celle que je suis et viens de nouveau, sans style, sans fard, sans trompette. Une tête qui pense un peu et un corps qui sens beaucoup.
J’aurais pu abordé le désir au pluriel, de toute sorte, je me suis arrêté sur le désir charnel car il s’agit d’un corps, d’une femme et d’instants partagés. Quand il n’y a plus de désir (en général) on commence à se laisser mourir. Le désir chez la femme -en tout cas, pour celle-ci- fait déplacer des volcans, des océans qui ne peuvent que s’incliner face à la volonté et à la détermination de ce petit bout de chair en mouvement.

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En flânant au milieu de vieux papiers qui sentent le renfermé, où l’encre et le crayon s’effacent peu à peu, je me suis amusée à relire ceci, une rêverie d’une très jeune adolescente, que j’ai souhaité inscrire en introduction.

L’abeille du désir se pose sur la fleur du plaisir, butine son soleil au milieu des pétales charnelles. Lorsque le crépuscule s’épuise, elle attend impatiemment l’ombre de l’aube. La rosée rafraîchissante la régénère jusqu’au bout des ailes. Il lui est impossible d’être lassée puisque la nature des antennes est inexorablement attirée par le cœur constamment brûlant de cette fleur immaculée.

Parce qu’«on n’est pas sérieux quand on a 17 ans» et en deçà. Que l’adolescence fait pousser des ailes, cousues ensuite. Peut-être est-ce une période de la vie dans laquelle la lucidité est beaucoup plus présente que les apparences qu’on y prête.

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Des notes qui auraient dû restées dans mon jardin secret, écrites par et pour moi-même. La surprise de les voir renaître, de les étaler face à l’inconnu. De les laisser se disperser dans une mer infinie, trouble, aux profondeurs inquiétantes, aux milles merveilles déroutantes.
Parce que ni la honte, ni l’appréhension n’arrêtent cette entreprise, celle d’offrir des petits bouquets de ce jardin, qui n’est plus si secret que cela…

Gustav Klimt, Derpents d'eau 

Relations secrètes et enviées.
« Je t’aime, moi non plus » ou « Je ne t’aime plus mon amour »

Nous pouvons être amis, amoureux, amants, compagnons de route… Ou nous pouvons Etre tout simplement. Sans définition. Au gré du moment.
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Je repousse toutes les vagues le concernant, elles me submergent, je les rejette vers la terre. Respirant en mon centre, laissant passage pour éviter blocage. Mais ça subsiste. Les vagues roulent et roulent encore, amenant à chaque nouvelle écume un doute de plus. Plus les minutes passent, plus son odeur se rapproche de moi… je peux presque sentir l’odeur de nos baisers.    Alors j’écris pour exulter.
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Entrée dans son univers. Tout objet a un caractère énigmatique. Les espaces sont pleins par le poids du vide. La salle de danse abrite aussi un antre musical.
Je le rencontre au travers du corps, du contact, les yeux fermés. Les corps s’appréhendent, se connaissent déjà, s’entremêlent, se rassurent, s’accompagnent, puis prennent leur indépendance et s’éloignent. Les yeux s’ouvrent, les espaces sont différents, j’approche une autre facette de cette personne. Les heures défilent, nous défient. Le mouvement se délie, le corps parle.
Un contact précieux, délicat. Sommes-nous simplement dans le geste dansé ou dans la tendresse séductrice et sucrée ?
La langue parlée est différente mais nous parlons le même langage. Une alchimie des pores de la peau. Un massage, un message. Mon corps reçoit toute la volupté de ces va-et-vient…frissons. Je lui réponds avec la même intensité.
Nous finissons par des codes plus sociaux, à échanger sur des bribes de vies. Je tarde à nous laisser, je ne reste pas. Je pars dans la nuit tiède et calme.
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La force intérieure vive et sensuelle emplie tout l’espace. Le silence ne rompt pas nos respirations rapprochées. On se sent, se respire, se frôle. La sensualité se concentre entre nos deux corps en flamme. Les flammes vacillent, la peau s’embrase, jusqu’à pousser les portes de l’interdit. Nos bouches se rencontrent, nos langues se libèrent. Les caresses sur les vêtements, le peu de contact avec la peau. Et les mots se répètent dans ma tête.
« Qu’est-ce que nous sommes entrain de faire ? Je savais que ça pouvait arriver. Je dois arrêter. Il doit éteindre le feu. Nous ne pouvons pas, ne devons pas aller plus loin… »
Nous n’irons pas. Cette limite n’est pas franchie. Il s’endort paisiblement sur le parquet.
Mon corps en garde des traces. Vagues de désirs qui ondulent de la tête aux pieds.
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La fenêtre, l’air souffle entre nous, en nous. Les rayons pénètrent nos chairs. Ils font une ronde et dansent dans mon ventre. Nous devinons, nous savons. Nous nous avouons. La sincérité continue de marteler nos mots. Pour être sûrs. Pour confirmer nos sens.
Il fait les premiers pas charnels. Il ne m’est plus possible de contenir les vents de désir qui tourbillonnent en moi. Je ralentis leur flux, poussée par une sorte de gravité et aussi l’envie d’un moment infini. Être consciente de ce qui est entrain de se dérouler à l’instant même.
Il a fait le premier pas, je prends le relais.
Une gravité qui chuchote  « nous n’avons pas le droit », « nous ne devrions pas », « restes à ta place ».
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Nuit d’ivresse. Il a juste fallu que nous nous retrouvions seuls. L’alcool en prétexte. Enlacements, tourbillons, bouillonnement dans une alchimie suspendue. Sens entremêlés, désirs insoutenables. Libres et lucides.

ajout le 23/08/10

 

« The siddhas of the upper air », Abanindranath Tagore.

Désirer c’est Aimer
Hommage à l’être aimé.

J’arrive ici comme j’aurais pu être ailleurs. Il tape, tambourine tant qu’il peut. Mon corps s’anime, vibre parmi ses rythmes. Ce corps encore tiède de cet hôte qui peuple mon quotidien depuis peu. Celui que j’oublie, emmenée vers d’autres probabilités…Danse effrénée. Un tournoiement imaîtrisé, complet d’une élévation sans nom. Je ne sais pas si c’est moi qui accompagne son percutant doigté avec ma danse, ou l’inverse. La fusion d’un espace-temps entre deux êtres, où justement le temps et l’espace n’existe plus.

Un souffle entre nos paupières qui se croisent.

Nous nous retrouvons assis l’un en face de l’autre sans trop savoir comment nous sommes arrivés là. Il me sert un verre, deux, puis trois… je ne les compte plus. Je fais de même. Il ne refuse pas. Nous avalons toute cette fumée verte qui vertigote derrière nos yeux pétillants. Je lui déballe ma vie. Comme ça, pour rien. Je me retourne un instant, reviens et hop ! l’attraction s’est proclamée maîtresse. Aimantés au-delà de toutes considérations. Scotchés pour ainsi dire. Médusés, englués, absorbés, une succion électrique. On ne sait pas qui avale qui. Dévoration inconditionnelle. Le monde peut bien s’écrouler autour, ça n’a pas la moindre importance. Aucune question, la tête se noie intégralement dans les courants d’effluves du désir, une jouissance harmonisée.

Nous atterrissons dans ce petit salon sans trop savoir comment. Entourés de couples aussi improbables et insolites que nous le sommes. La maison est pleine de ces rencontres délectables, délicieuses. Une atmosphère de libertinage un peu sage. Les couples nus s’isolent. Et nous, nous restons là, allongés par terre, au centre de ce petit salon, lovés l’un dans l’autre, dans cet instant infini.

Le jour se lève, nous le voyons à peine. La lumière déchire peu à peu cette réunion de deux corps non essoufflés.
Séparés par une autre réalité. Avec les questions qui commencent tout juste à pointer le bout de leur nez crasseux…
Puis, nous nous revoyons. Encore et encore… C’était il y a plusieurs années déjà. Il est toujours là. Dans mon lit, dans ma vie, mes nuits.

1 Comment Être une femme, Désir

  1. Sébastien

    On quitte l' »être femme » pour l’être femme en son duel. On s’achemine peu à peu vers une métaphysique du désir. Qu’est ce qui pousse en nous, qui nous pousse quand on désire ? Le corps se dédouble en une danse pendant laquelle correspondent des sens, des sensations, des instincts, des énergies enfouies et inavouables. Il y a le poids d’une culpabilité, d’un surmoi qui plane toujours. Tu ne lis pas mais sincèrement je pense que tu aimerais Marguerite Duras, au moins que tu comprendrais facilement ce que rate beaucoup de ses lecteurs (les plus critiques).

    A mon tour, une petite page sur le bonheur, autour de 3 textes, avec une liberté de s’amuser des correspondances entre 3 textes totalement différents dans l’intention.

Ecrire dans les marges