Chanter, simplement chanter

Ilo veyou

Camille
Camille music, 2011
www.camille-music.com

Camille, Ilo veyou

A Cécile, à Berce ma compagne,
mon angélique sauvage qui chante

Tomber de la cime des arbres tutoyée

Il ne suffit pas de prendre la posture de l’artiste pour faire chant avec le monde. Il faut davantage : l’air qui bruisse aux murmures, ces marques gravées dans la roche dont on a perdu le sens, au vent glacial qui les couve, aux feuilles de l’automne blotties sur leurs couches d’incendie à la surface des rivières… Le vent violent brusquant les ombres d’un arbre ployé. L’orage grondant au loin et l’instant transi dans l’attente réfléchie d’un désastre imminent. Frapper. Frapper, scander, labourer la terre de ses pieds nus. En faire jaillir les geysers telluriques demeurés dans nos ventres, nos dents serrées, dans nos corps gourds et résiliés. Se vêtir de rien, sortir de son refuge natal, habiter son abri comme le stylite sa pierre. Jouer à cloche pied sur une colonne d’harmoniques. Trop étroite et trop vaste à la fois. A la place où l’on est. Pas à côté, un pas dans le presque vide. Se vêtir de peu et se défaire de ce que l’on a pris. Endosser l’ancestral habit de la pythie. Être habité et être l’abri. Être abrité et sans habits. Se sentir Cassandre et se trouver belle, en dépit de tous. S’ouvrir aux connexions. S’entre tenir. A la folie, à l’indifférence, à la légèreté, à la frivolité. Jouer. Jouer encore. L’art est un jeu. Est insatisfaisante la seule lecture des règles qui en régentent les mécanismes. Jouer, jouer jusqu’à en oublier les règles. Être vent qui sublime la vanité de la feuille. Être vente. Souffler sur la beauté comme s’il s’agissait de la dernière bulle de savon qui puisse s’affranchir de l’anxieuse gravité qui la plaque contre terre. Frapper la terre des mains nues pour la faire trembler. Pour la rendre vivante.

…sans perdre de vue qu’un gésir est pré­fé­rable à tout autre désapparaître.

Et puis réinvoquer, avec force, avec rage et déraison ceux qui sont partis, les faire danser une dernière fois. A ceux qui, déjà, ont tourné le dos. Pas après pas / dans une valse lente, presqu’arrêtée. Une inertie à trois temps. Guérir les biens portants. Prévenir, les prévenir de ce qui advient toujours et les démunir de toutes munitions dont ils feraient, par connaissance, un mauvais usage. Et tomber de haut, de la cime des arbres tutoyée, sans perdre de vue qu’un gésir est préférable à tout autre désapparaître.

Le chant est métamorphose de l’intangible instable.

And when I die
and I’m born again
what will I be
a stone?
a cat?
a tree?

Go away, go away go…

Camille, She Was (Ilo veyou)

Magnifique concert de Camille, donné le 24 octobre à l’Olympia et qui, entre deux frissons, m’inspira ces mots.

L’image est d’un autre Kamil, Kamil Vojnar [Source] que j’ai eu le plaisir de connaître grâce à Pascale et qui après coup tombait à pic dans l’imaginaire de mon propos.

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