Le roi du bois — Pierre Michon

Le roi du bois

Pierre Michon
Editions Verdier

Le roi du bois, Pierre Michon, Ed. Verdier

Dans les prochaines pages dans un courant d’air, je m’attacherai à ce regard perçant, parfois jaloux et envieux, souvent admiratif et affectueux, que porte l’écrivain à l’égard des peintres, ces autres descripteurs d’autres réalités… Aujourd’hui nous commenceront par un extrait de Pierre Michon, avec Le roi du bois, qui décrit la vie d’un jeune gardien de porcs avant qu’il ne passe au service du peintre Claude le Lorrain.

« Je les épiais entre les feuilles. Sans hâte ils se campaient, levaient le nez, humaient l’air, d’un grand regard neutre embrassaient les horizons, la fuite des sentiers, les troupeaux ; ils échangeaient quelques mots, hésitaient ou disputaient, soudain faisaient un grand geste et quelque chose avait l’air de bougrement les intéresser là-bas, vers un maigre bois où tombait une maigre cascade, au front d’une orée où le jour et l’ombre se disputaient les feuillages comme à longueur d’été ils le font sans que ce heurt naisse autre chose que du feuillage : ils se montraient donc ceci ou cela et je regardais par là-bas moi aussi, j’écarquillais les yeux pour voir ce qu’il y avait de si étonnant, une belle dormant dans ce bois et pourquoi pas y pissant, ou une vraie Notre-Dame enlevée en plein ciel, mais il n’y avait que des feuilles et de l’eau, du ciel. Je m’époumonais dans mon sifflet, l’extase saugrenue les quittaient un peu, ils sortaient de leurs fontes leurs petites affaires, papiers et mines, se mettaient à l’aise, en tailleur sur leurs bottes ou assis sur un talus, et faisaient interminablement de petits dessins. Mais oui — c’étaient les peintres. »

Le roi du bois, Pierre Michon, pp. 30-31
Éditions Verdier poche, 1996

Claude Gellée, dit le Lorrain (1600 ou 1604/1605 – 1682) Vers 1635 Graphite, sanguine et pierre noire, plume et pinceau et encre brune - 26,4 cm x 35,7 cm - Haarlem, musée Teyler, inv. L 44 - Acquis par la Fondation Teyler en 1790. © Haarlem, Teylers Museum

Claude Gellée, dit le Lorrain (1600 ou 1604/1605 – 1682)
Graphite, sanguine et pierre noire, plume et pinceau et encre brune – 26,4 cm x 35,7 cm – Haarlem, musée Teyler, inv. L 44 – Acquis par la Fondation Teyler en 1790.
© Haarlem, Teylers Museum

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