C’est une nouvelle qui m’attriste : l’Isle-sur-la-Sorgue, suite à une rupture dans la convention qui liait la municipalité à Marie-Claude Char, la veuve de René Char, se voit retirer le fond privé et l’univers du poète… En effet, la municipalité souhaite maintenant diversifier les expositions temporaires, sans souci du lien avec l’univers du poète, ce qui pour l’ayant-droit et la gardienne de l’héritage culturel du poète annonce une rupture avec la convention initiale : « La convention spécifiait que les artistes aient un lien, même éthique, avec Char. Le maire a d’autres projets, il contredit le projet culturel qui nous liait à la mairie ».
La maison de René Char, que j’ai eu l’occasion de visiter il y a deux ans, se vide complètement de l’âme qui l’habitait encore. L’éthique n’a plus de terroir et le patrimoine se vend « comme le savon à barbe ».
Qu’il vive !
Ce pays n’est qu’un vœu de l’esprit, un contre sépulcre.
Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains.
La vérité attend l’aurore à côté d’une bougie. Le verre de fenêtre est négligé. Qu’importe à l’attentif.
Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.
Il n’y a pas d’ombre maigre sur la barque chavirée.
Bonjour à peine est inconnu dans mon pays.
On n’emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.
Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de ne pas avoir de fruits.
On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.
Dans mon pays, on remercie.
René Char, Qu’il vive, in Les Matinaux, 1968