Trois extraits de textes…
Comme une énigme posée à la mer. Trois textes, trois mers différentes – la Bretagne au creux d’un coquillage de Julien Gracq; la mer d’Irlande sur la ligne presque parfaite de Maam-Cross à Unst, en passant par Iona de Pierre Cendors et la Méditerranée d’Eugenio Montale pour laquelle toute terre émergée est une finisterre. Trois espaces aux latitudes diverses ; et pourtant ce sont des mots qui chantent encore ces lieux sur des accords intérieurs.
Pour ceux qu’elle aura choisis, c’est peu de visiter la Bretagne. Il faut la quitter en souhaitant d’y vivre, l’oreille collée contre ce profond coquillage en rumeur. Et son appel est celui d’un cloître au mur défoncé vers le large : la mer, le vent, la terre nue et rien. C’est ici une province de l’âme. Julien Gracq, Lettrines, Ed. Corti, 1967
Vienne l’instant où
il faut se lever et
partir
vers la mer le vent
écouter
le chant runique
du vide […] »
Maam Unst Iona
encore trop de mots
pour dire ce vide lucide […]Pierre Cendors, Chant runique du vide, Eclats d’encre, 2010
Le voyage prend fin ici:
dans les soucis mesquins qui divisent
l’âme qui ne sait plus émettre un cri. […]Le voyage prend fin sur cette plage
que harcèlent les flots patients.
Rien ne dévoile, sinon des fumées paresseuses,
le rivage que tissent de conques
les vents bénins : et rarement se montre
dans la bonace muette
entre les îles d’air migratrices
la Capraia, ou la Corse échineuse.
Tu demandes si tout s’évanouit ainsi
dans cette mince brume de souvenirs ;
si dans l’heure qui somnole ou si dans le soupir
du récif s’accomplit tout destin.[…]Eugenio Montale, La maison sur la mer
in Os de Seiche, Poésie/Gallimard, 1991