Un jeu, dé de je

Roger Caillois dans  Les jeux et les hommes définit le jeu comme une activité libre, séparée, incertaine, improductive, réglée, et fictive.

Et si les règles du jeu se perdaient, faudrait-il les réinventer?

 

Alexander Calder, Totem

 

L’Etre une femme. Le jeu, l’enjeu

Elle vous aime, elle ne vous aime plus et s’en va. Elle ne veut pas faire l’amour, vous trouve chiant à en mourir, elle se tuera si vous ne l’aimez pas.

 

Elle vous tuera si vous ne l’aimez pas.

 

Elle ne veut pas vous aimer mais vous aime de toutes les façons. Elle veut un enfant tout de suite, être une femme plus qu’une mère, elle veut bien être une mère quand même.

Elle ne vous trompe pas, ne vous trahis pas, même si elle en aime un autre et fait l’amour à d’autres que vous.

Elle vous veut pour elle toute seule, ne veut pas savoir si vous ne l’aimez pas, si vous faites l’amour à d’autres, elle veut que vous fassiez semblant comme si vous l’aimiez vraiment.

Elle veut vous voir heureux avec ou sans elle, vous voir malheureux pour vous consoler, elle ne partira pas même si vous ne l’aimez plus, elle partira dès que vous ne l’aimerez plus.

Est-ce qu’une femme joue à faire semblant juste pour vous faire plaisir ? Est-ce qu’elle jouit lorsque vous lui faîtes plaisir ? Est-ce qu’elle fait semblant d’être ce qu’elle est ?

Elle vous quitte, même quand elle vous aime encore.

Elle souffre de vous voir partir, même si elle ne vous aime plus.

Et si Elle était Je sans Jeu…

Chacun invente ou adopte ses propres règles du je.

DEDALE DE JE

Règle numéro 1– Mettre un pied devant l’autre pour avancer ou reculer.

 

n°2– Lancer le dé grandeur nature que vous aurez préalablement construit.

 

n°3– Deviner sa face avant qu’il finisse sa course.

 

n°4– Si votre prédiction correspond avec la face visible du dé, avancer autant de fois que vous le souhaitez et rejouer quand le dé de Je sera perdu de vue.

-Si votre prédiction est différente de la face visible du dé, rejouer ou reculer pour prendre un peu plus d’élan.

 

n°5– Le jeu peut être mis en suspens afin de rejouer plus tard, là où on l’avait laissé.

-Il peut se jouer à différents rythmes (lent, en accéléré, saccadé…).

 

n°6– Le jeu ne s’arrête que si le dé de Je est définitivement perdu. Si le jeu s’arrête, rien ne proscrit la construction d’un nouveau dé.

 

n°7– L’ordre d’application des règles du jeu peut être prédéfini ou aléatoire.

Joue à la marelle, toc, le ciel n’est pas loin. Un pied à terre, l’autre en suspens. Joue toi de moi, je te montrerai que je ne le savais pas. Tiré pas un fil, prêt à sourire, les articulations dénouées, je prendrai la voix que tu me donneras. Ris à en oublier que je suis là. Joue à n’être plus que toi.

Chuuuut… Le jeu n’est plus, il  continue, endors-toi.

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Air + On = ∞ O

Lorsqu’un héron vint se poser à ma fenêtre,
de ses yeux je me mis à voler…

L’infini induit l’absence de point d’arrivée et de départ, des espaces-temps. Une géométrie variable, multidimensionnelle.

Le centre, la sensation du centre – qui n’est pas une chose extérieure, au loin, un peu obscure- le point d’équilibre, celui qui nous donne notre verticalité, sans lui, nous restons à terre.

Le passage emmêle la vision du cycle, la vague, le serpent qui se mord la queue. Noyé dans la conscience du mouvement. Mourir et renaître continuellement. Répétitions incessantes, transes, « figées » seulement en apparence. Définitivement non stagnante mais vivante.

Le passage peut être vécu comme une errance, une initiation, un non-sens, mais c’est par lui que nous avançons malgré tout, d’une manière ou d’une autre. Il n’a rien de rectiligne, en fait il n’a pas de forme et n’existe pas en soi, pour soi.

 

 

 

Couverture de Point-Ligne-Plan ,1925, Kandinsky

 

 

 

Errons ensemble, le temps d’une danse et ‘Ainsi font font font…’. Que les marionnettes s’affranchissent, d’un petit tour et puis s’en vont. Ne rentrez pas trop tard ce soir, surtout ne prenez pas froid. Whou-ou-ou-ou… et le vent nous emporte il s’engouffre sous la toile le chapeau pointu de Turlututu vole, vole, vole…

Tu parle à Je, Je qui se prend pour Tu alors Tu devient Je. Je écoute et ne sait plus si Tu est aussi Je. Je voudrait parfois que Tu se taise un peu.

Ne voyez-vous pas cette fleur pousser ? N’entendez-vous pas cette chouette hululer ? Encore un pas de danse, juste un, et vous verrez. Traversez les murs sans y penser. Nous sommes toujours ici et ailleurs à la fois.

La danse continue, tourbillonne au-dessus de nos têtes, étoiles aux mille regards. Approchez-vous, le spectacle est en vous. Impossible d’écrire la mélodie du silence.

Tu se tait et Je se repose.

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Lucile — Olivier Boivinet

Je vous informais, il y a peu, de l’exposition de gravures d’Olivier Boivinet organisée par  l’association Sténopé. Je dois reconnaître que j’ai beaucoup apprécié cette exposition —  une première dans une galerie pour ce jeune graveur qui est l’élève de mon ami François Robert – et j’ai décidé de me fendre d’un petit billet à son propos.

J’ai aimé ce travail : méticuleux et en même temps sans cesse en quête de ce qui échappe à l’artiste, une recherche de hasards, d’itinérances (le titre de l’exposition dit bien simultanément cet itinéraire comme un chemin tracé et choisi par avance et en même temps l’errance induite par  ces voyages qui sont autant d’histoires illustrant un carnet de voyage imaginaire — ou pas). Si on peut y voir un côté « étude », avec des déclinaisons d’un même sujet avec des techniques différentes : linogravure, pointe sèche, monotype, collagravure… c’est pour mieux renforcer l’idée d’itinérances et de carnets de voyage dont je parlais plus haut. Carnets pas si imaginaires que cela puisqu’Olivier s’inspire d’albums de photographie et de carnets de sa propre famille datant du XIXe, début XXe ((cf. l’entretien avec Olivier Boivinet sur le site de Sténopé)).

Mais il y avait un autre versant à l’exposition, une face cachée visible seulement en présence de l’artiste, lorsque celui-ci guide le voyageur égaré ou curieux dans cette ravissante galerie.  En effet, en prenant rendez-vous avec l’artiste, dans un quasi face-à-face inédit, le curieux avait la possibilité de découvrir certaines de ses gravures en présence de textes et de musique, écrits et composée par l’auteur. La visite prend alors une tournure toute différente et l’itinérance se voit définitivement attribuée un deuxième « r ». Ainsi, on se retrouve assis dans un fauteuil confortable, face à la gravure — visages interrogeant le spectateur, posture hiératique posant pour la postérité, paysages filaires sous des torrents de pluie, cargo naufragé dans un cimetière métallique –, un texte dans la main et une bande son dans les oreilles…

Non ce n’est pas du cinéma, non ce n’est pas de la bande dessinée (quand bien même j’ai trouvé des traits communs entre certaines gravures et l’univers Corto maltésien d’Hugo Pratt, ou même selon les dires de l’artiste avec Philémon de Fred), c’est la croisée de trois histoires qui se s’entrelacent, s’enrichissent, se détournent mutuellement. Au final un relief insoupçonnable naît de cette rencontre. Et l’on apprend par la suite que la genèse de chaque œuvre a son cheminement propre, des résonances sans ordre pré-établi : ainsi une gravure naît d’un texte et enfante une musique tandis qu’une autre gravure suit le chemin inverse et qu’une autre à un itinéraire encore autre. Inspiration poly-sémique/chromique/phonique qui tisse une trame complexe pour un résultat très convaincant.

Ce travail touchant à une sorte d’art total (j’ai omis volontairement de parler du dispositif tridimensionnel qui présentait les œuvres), j’ai pensé qu’il pourrait être mis en valeur – tout du moins pas trop trahi – dans une vidéo associant image, texte et bande son. J’ai ressorti alors mon logiciel favori de montage et ai créé – avec l’aimable autorisation de l’auteur – ces deux vidéos ci-dessous. La première, Lucile, dont je suis très fier d’avoir un tirage dans mon salon, raconte l’histoire d’une image inscrite dans une crypte où se déroule un étrange rituel. La seconde, Saison des âmes errantes, est une série intitulée globalement « Les tisserands d’eau » et narre la détermination, l’absurdité réitérée des hommes luttant contre la mousson.

Lucile

La saison des âmes errantes

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Sur la pointe des pieds

Sur la pointe des pieds

Damien Gabriels et Paul de Maricourt
Éditions L’Iroli, 2008

Sur la pointe des pieds

 Auparavant, je ne m’étais rarement penché sur l’univers des Haïkus et depuis que j’ai lu Basho, Issa, Shiki, L’Art du Haïku, je découvre cet univers minuscule en vers avec délectation. Je vous ferai, de temps en temps, part de mes découvertes…

J’ai donc commencé… par la fin ! enfin, disons que j’ai abordé l’art du Haïku avec deux contemporains : Damien Gabriels  et Paul de Maricourt qui nous offrent, Sur la pointe des pieds, un aperçu de l’évolution contemporaine et occidentale de cet art du minimalisme et du prosaïque, le tout illustré par des dessins d’enfants d’un atelier de dessins à Beauvais.

Beaucoup de  ces Haïku sont très drôles et montrent bien un des intérêts du Haïku – qui n’est pas juste un petit morceau d’évanescence –  mais qui est aussi de susciter la surprise, la curiosité, de rencontrer aussi le lecteur là où il ne s’y attend pas. Continue reading

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