La bibliothèque est en feu…

[…] L’éclair me dure.

Il n’y a que mon semblable, la compagne ou le compagnon, qui puisse m’éveiller de ma torpeur, déclencher la poésie, me lancer contre les limites du vieux désert afin que j’en triomphe. Aucun autre. Ni cieux, ni terre privilégiée, ni choses dont on tressaille.
Torche, je ne valse qu’avec lui.

On ne peut pas commencer un poème sans une parcelle d’erreur sur soi et sur le monde, sans une paille d’innocence aux premiers morts.

Dans le poème, chaque mot ou presque doit être employé dans son sens originel. Certains, se détachant, deviennent plurivalents. Il en est d’amnésique. La constellation du Solitaire est tendue.

La poésie me volera ma mort.

Pourquoi poème pulvérisé ? Parce qu’au terme de son voyage vers le Pays, après l’obscurité pré-natale et la dureté terrestre, la finitude du poème est lumière, apport de l’être à la vie.

Le poète ne retient pas ce qu’il découvre ; l’ayant transcrit, le perd bientôt. En cela réside sa nouveauté, son infini et son péril.

Mon métier est un métier de pointe.

On naît avec les hommes, on meurt inconsolé parmi les dieux.

La terre qui reçoit la graine est triste. La graine qui va tant risquer est heureuse […] »

René Char, « La bibliothèque est en feu… »,
in La Parole en archipel,Gallimard, la Pléiade, p378

Des pages, comme celle-ci et beaucoup d’autres, nous accompagnent toute notre vie… Le livre peut disparaître, la bibliothèque brûler, le poète devenir amnésique ou mourir : le poème est pulvérisé, la graine est semée dans l’opacité de l’air, dans l’ombre de la terre. Poète « est un métier de pointe« . Lecteur n’est pas un métier, il n’est que la navette qui file la trame d’un métier qui le dépasse et dont il veut rapprocher les fils que l’on appelle la chaîne.

Ecrire en marge

L’homme caché — Pierre Cendors

L’homme caché, romans,

Pierre Cendors
Editions Finitude, 2006

Je vous ai raconté comment j’ai découvert, par le plus grand des hasards, Pierre Cendors et son premier roman : L’homme caché. Maintenant que j’ai appâté l’auditoire, je ne peux plus me soustraire à en dire davantage, à argumenter ce que je n’ai fait qu’esquisser.

L’homme caché sous-titré romans (un clin d’œil assumé à La vie mode d’emploi de Pérec) est un ensemble artificiel de quatre histoires/nouvelles/romans ayant un lien commun les unes avec les autres : établir la biographie du romancier et poète Endsen disparu dans « de troubles circonstances » à Pragues. L’intrigue en soi n’a rien de bien originale et mystérieuse – si ce n’est que le nom d’Endsen, aux sonorités qui pourraient sembler pourtant familières, ne titille en rien notre cortex littéraire et l’on devine aisément qu’il s’agit, pour nous,  lecteurs, de partir à la recherche d’un auteur fictif, peut-être même de celui-là qui a écrit ce livre que nous tenons (L’homme caché étant considéré comme le seul et  unique roman du poète Edsen ((Le seul roman d’un poète nous conduit nécessairement à penser aux Cahiers de Malte Laurids Brigge qui fut le seul roman de R.M. Rilke. L’extrait présenté dans ce labyrinthe offre une résonance étrange à ce petit roman : « Mal­gré ma peur je suis pour­tant pareil à quelqu’un qui se tient devant de grandes choses, et je me sou­viens que, autre­fois, je sen­tais en moi des lueurs sem­blables lorsque j’allais écrire. Mais cette fois je serai écrit. Je suis l’impression qui va se trans­po­ser. »)).) Au-delà de cette apparente simplicité vont se nouer dans ce livre, mais au-delà dans les Fragments Solander qui en est la suite, des liens architecturaux d’une complexité que je comparerais aisément aux échafaudages qui permirent de construire la tour de Babel – origine mythologique de la division de la langue – ou au labyrinthe mythologique de Minos qui servit d’écran-écrin au Minotaure, le monstre engendré par la parole perdue. Le livre, comme le suggère la couverture, est essentiellement labyrinthique mais le dédale dans lequel nous entraînent les différents narrateurs de L’homme caché est d’une nature autre que celle que nous lui connaissons usuellement.

Le centre absent du roman

Si nous cherchons quelque-chose, le labyrinthe est l’endroit le plus favorable à la recherche.O. Wells

L’incipit du roman – qui pourrait être celui de ce blog – donne deux clefs essentielles à sa lecture. La première, c’est que pour que quelque chose soit cherchée il faut d’abord que cette chose soit perdue, absente, cachée. Pas simplement égarée, mais perdue et scellée dans le plus inextricable de l’histoire, dans les méandres les plus complexes de la mémoire. Car on ne cherche ni ne trouve rien dans les coulisses de l’évidence, dans les abords du soupçonnable, qui ne soit déjà trouvé auparavant. Le Graal est nécessairement plus difficile à trouver quand il ressemble à n’importe quelle coupe, à n’importe quel pot en terre. Le clinquant est toujours déjà un aveu et une tricherie, comme lorsque nous étions enfants, et qu’au cours de parties de cache-cache interminables, nous faisions du bruit afin d’être trouvés plus rapidement parce que, enfin ! c’est beaucoup plus amusant de chercher que d’être trouvé. Un auteur, fut-il mythique, fut-il auréolé de mysticisme, l’est davantage quand, homme parmi les ombres, il ne prend pas l’apparence, la posture d’un écrivain, quand sa propre vie ne se résume qu’à son œuvre, homme parmi les hommes, œuvre parmi les livres d’une bibliothèque.

La seconde clef, c’est que la quête est nécessairement quelque chose qui se mène à l’intérieur de l’édifice en construction. L’écrivain n’est pas simplement cet architecte qui, en bon maître d’œuvre, vérifie la validité de l’édifice en regard d’un plan préalablement conçu, coordonne l’avancée des travaux, ordonnance telle ou telle intervention… On ne crée pas un lieu, un roman si on ne l’habite pas, si on ne s’y sent pas traqué ou abrité, si on s’y sent pas vivant parmi les morts. On n’y trouve rien si on ne s’y sent pas noyé, perdu, caché, toujours déjà sur le point de trouver au moment d’en être exclu. Il faut, tour à tour, balader et se faire balader par l’objet de la quête, du désir. C’est un autre jeu de cache-cache que l’auteur, et par la suite le lecteur, doit accepter. Sans tricher. Dit autrement, le labyrinthe est le lieu qui réfute l’idée même de centre, chaque carrefour étant une clef centrale qui donne accès à d’autres carrefours, d’autres centres…

Ce roman/labyrinthe privé de centre propre, dont le centre est par nature excentré de toute part, fait référence à Maurice Blanchot, à L’Espace littéraire, à son Livre à venir dans lesquels l’auteur, figure de l’absence, est totalement exclu – désapproprié – de l’œuvre autant qu’il en est le centre décentré. Le centre dans ce roman, quand on pense en saisir un, est un éternel trompe-l’œil : est-ce Endsen lui-même, ou son œuvre ? Est-ce Solander, le nom de cette personne qui, fuyant son propre nom, le montre sur tous les tableaux qu’il peint comme étant la destination ultime de tous les voyages entrepris, est-ce la lettre K, la onzième, qui résonne comme une oraison funèbre et qui  nous plonge dans l’univers kafkaïen du Château, dans les complots tchèques de Milan Kundera ? Endsen est-il mort et vivant ? Est-il réel et fictif ? avec dans ce « et » la résonance d’un « ou » quantique (chère au chat de Schrödinger), la vibration d’un état alternatif, inanticipable et indécidable. Endsen dont on apprend par la suite, dans Les Fragments Solander, une des significations (on peut largement supposer, avec Cendors, que d’autres pourraient jaillir) : la fin du rêve… Ainsi Endsen serait ce rêve que nous venons de croiser dans notre sommeil finissant : ni tout à fait réveiller, ni tout à fait somnolant, notre esprit hésite à remettre en question ce qui paraissait si épais, si opaque, si présent dans nos songes.

Le roman, ce trompe-l’oeil

L’intertextualité dans ce roman est un autre labyrinthe de la langue qui surplombe celui de l’intrigue : c’est une bibliothèque sous-jacente qui irrigue le roman, tant et si bien que nous pouvons « raccrocher » Endsen à l’auteur que le lecteur apprécie le plus : ce peut être Rimbaud, Rilke, Kafka, Celan, Artaud, Jabès, Borges, Calvino, Blanchot, Daumal, Auster… J’ai pensé à Tranströmer également mais peut-être est-ce parce que je le lisais en parallèle sur le moment et que certains mots (ils sont si nombreux, ces mots !) semblaient faire écho à ce roman (ou bien était-ce l’inverse ?). Car la vraie magie de ce roman vient de de cette capacité à rendre « vrai » la multitude de trompe-l’œil que Cendors s’amuse à nous mettre sous le nez, quitte à les démystifier par la suite. Je lisais, dans le récent Magazine littéraire dédié à Borgès, un article sur son usage du trompe-l’œil en littérature et notamment sa faculté de brouiller les pistes fictives par des strates infinies de pistes « savantes » ((« A cela (l’utilisation de l’essai pour accroitre l’impression de réalité) s’ajoute l’imbrication du factuel et du fictionnel : sertis, par le jeu d’une érudition trompeuse, dans un contexte reconnaissable, les textes de ces auteurs supposés acquièrent une réalité d’emprunt. »  Magazine Littéraire, juin 2012, article de Richard Saint-Gelais, p. 60)) : puisqu’il s’agit de construire ou de retrouver la biographie d’un personnage, supposé célèbre, le lecteur ne remet rien en doute devant le caractère rigoureusement scientifique de l’entreprise. L’intervention de Dominique Bordes, éditeur (réel) des Editions Toussaint Louverture, vient même enfoncer le clou en faisant d’Endsen un personnage réel  et de Cendors une mystification dont on ne saurait trop se méfier. ((Ce prière d’insérer de l’éditeur est un procédé qui ne date pas d’hier (cf. Les liaisons dangereuses par exemple) mais il prend ici la tournure savoureuse d’un chausse-trappe facétieux et inattendu.))

L’utilisation du trompe-l’œil est accentuée par la saisissante présence des lieux traversés dans les romans de Cendors. Ernest Pignon Ernest, de son côté, l’a bien pressenti : pour qu’un trompe-l’œil trompe son monde il faut que le lieu qui l’environne soit d’une picturalité telle que, plus tableau que la toile qu’il accueille, il lui paraît plus factice, comme fait de la main de l’homme (cheiropoieta). Un lieu comme la toile de fond sur la scène d’un théâtre. Ainsi le trompe-l’oeil transperce la réalité du lieu, la déborde complètement pour faire corps avec lui.

Traversé le pont en verre ; le fleuve glisse sous mes pieds.

L’eau se balance d’un côté à l’autre du courant. Je m’arrête pour regarder au loin. Autour de moi, les passants s’attardent également. Ils vont et viennent dans la lumière éblouissante du pont.

Leur visage s’espace curieusement dans l’éclat du soleil. Ils sourient comme au bord d’un évanouissement. Nos corps se frôlent, nous nous voyons pourtant du fond d’un lointain infini. Un rire soudain me rapproche. Le ravissement qui me saisit m’ôte la parole.

D’ici on découvre la ville comme à l’entrée d’un port.

  p. 25  (les mots sont attribués à Endsen)

La grande force de Cendors dans l’utilisation des villes dans ses romans (Pragues, Berlin, Petrograd, la ville réinventée : Solander, Venise, etc.) tient d’une (présupposée) connaissance de ces lieux et de sa capacité, avec presque rien, à en faire jaillir son essence épiphanique, ce « ravissement qui me saisit » et qui « m’ôte la parole« . Cendors refuse la fresque surchargée, les descriptions minutieuses pour conserver du lieu un caractère symbolique réduit à sa plus simple expression, comme sculpté en creux tel ce cinéma Luminaire transformé en Lu..nairepar le caprice de néons défaillants. En creux car dans une ville se cache une autre ville, comme dans un miroir, lisible autrement pourvu qu’on prenne le soin de changer de point de vue, de la découvrir « comme à l’entrée d’un port« … A la question « De quelle idée suis-je la biographie ? » une autre question répond : De quelle cité suis-je la cartographie ?

Être l’auteur invisible de l’indicible dit

Ce livre a suscité chez moi un nombre important de réflexions mais l’une d’elles me paraît essentielle pour qui veut devenir écrivain. Notre monde hyper-connecté donne l’illusion qu’il faut faire partie de ce tout osmotique pour exister en tant qu’écrivain ((Je pense notamment à certaines polémiques, très vives en ce moment, opposant le monde numérique avec celui d’avant, le vieux monde, la vieille Europe… Éternelle ritournelle qui occupe la reslittera depuis que le langage existe – et la littérature pourtant volubile à ce sujet, de Platon à Derrida, n’y change rien…)). Endsen, et par d’autres égards, Pierre Cendors (et d’autres artistes), en s’effaçant pour laisser à l’œuvre toute sa place (Blanchot encore), sembleraient prendre le contrepied du sens de l’histoire… De grâce ! N’écrivons pas l’histoire avant qu’elle ne soit sortie de l’ornière de l’événement, avant qu’elle n’aie déjà eu lieu. Ayons l’air plus dégagé. La littérature n’est pas l’apanage de l’occident et du monde post-industriel. J’ai la conviction que des auteurs écrivent encore, en ce moment précis, sur des papyrus à l’ombre d’un sycomore. D’autres écrivent de magnifiques poèmes sur le sable balayé par les vagues. Certains n’écrivent même plus, occupés qu’ils sont à remonter leur temps intérieur à la recherche de peuples chamaniques… Le clinquant (encore lui), le visible qui monopolise hic et nunc l’attention du présent a toujours des allures d’étoiles filantes dans le ciel. Écrivez comme bon vous semble mais écrivez car ce qui reste ce sont ces mots que vous poserez. Ces mots qui vous abandonnerons quand ils prendront vie dans les yeux du lecteur.  Être auteur, créateur c’est avant tout être cette main discrète qui tient le stylo (ou le calame ou la tablette, peu importe), être auteur c’est être l’auteur invisible de l’indicible dit. C’est ce que fut, il me semble, Edsen et c’est pourquoi il est essentiel de rechercher maintenant l’intégralité de son œuvre disséminée.


Poursuivre le voyage…

 

Ecrire en marge
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A la rencontre d’un livre…

De quelle idée, suis-je la biographie ?
De quelle silence cette parole née ? L’homme caché, Pierre Cendors, p. 113

Je dédie ce texte : à Julie, en guise de réponse
à sa question : Comment « ressentez »-vous la lecture ?
A Marianne que j’ai finalement trouvée
Et à l’ange perdu qui m’accompagna ce jour-là.


Comment le livre nous trouve-t-il ?

Rencontrer un livre ou un auteur procède toujours d’un mystère qui nous échappe. Quand je dis rencontrer, je veux dire rencontrer vraiment. Pas physiquement bien sûr ! Je dis le mot « rencontrer » et l’image qui me vient immédiatement à l’esprit est celle d’un puzzle dont il manque la dernière pièce, l’essentielle, celle qui viendrait combler ce vide, central à l’édifice. Rencontrer, c’est trouver cette pièce qui,  étant toujours déjà en avance sur sa propre absence, sur notre propre quête, exacerbe une incomplétude secrète et à jamais repoussée. Heureusement, nous avons toujours des milliers de puzzles en construction, et il s’en trouve toujours quelques-uns pour lesquels, par la force du hasard ou par obstination, une pièce surgit du néant.

Les auteurs que l’on rencontre, selon cette définition, se comptent sur quelques mains pleines de doigts. Duras fut pour moi une rencontre. Woolf, Borges, Rilke, Pérec, Blanchot, Char, Jabès, Quignard récemment. J’en oublie quelques-uns. Et là, je cite les auteurs, mais la rencontre n’embrasse généralement pas l’œuvre complète, elle tient à la révélation d’un texte ou deux : Lol V. Stein, To the Lighthouse, Fictions, etc. Bien sûr, une fois un auteur découvert, on se lance dans la lecture frénétique, dans la répétition compulsive : on veut réitérer la rencontre, le miracle (au sens de merveilleux), au détour d’une phrase, dans le geste anodin d’un personnage, dans le frémissement d’un courant d’air, dans le bruissement de la langue…

La question qu’on se pose rarement, c’est : comment est-ce que cela arrive ? Par quel hasard, par quel cheminement inopiné, par quel lien se dirige-t-on vers un auteur, vers un livre plutôt qu’un autre ? Est-ce l’instinct ? Est-ce le charisme de l’auteur ? Est-ce l’illustration sur la couverture ? La quatrième ? Est-ce l’école, les bibliothèques, les salons, les libraires, les marchands ? Est-ce un autre livre ? Est-ce internet et les innombrables réseaux de blogueurs-lecteurs ? Est-ce les médias, la télé, la radio ? Est-ce un ami, un voisin ? Est-ce un étranger qui laissa pour vous cet Atlantide englouti sur ce banc ? Il y a un peu de tout cela en ce qui concerne la découverte, mais pour la rencontre ? Une partie des auteurs que j’ai cités au-dessus sont des rencontres – quasi inévitables – de mon cursus scolaire et littéraire, une autre, la part des poètes, me vient de ma mère comme je l’ai déjà raconté ici. Mais les autres ? Seul le labyrinthe connaît le secret cheminement qui les pousse jusqu’à nous.

Digression 1 : Escale pour un livre

Tenez, je vais faire un détour, avant d’entrer dans l’objet initial de cet article à savoir la rencontre et la lecture de L’homme caché, et vous raconter les moments qui ont précédé ma rencontre avec Pierre Cendors. Depuis une dizaine d’années, je me déplace rarement aux salons du livre. C’est un préjugé tenace chez moi (et peut-être une certaine forme de snobisme que je tends à corriger), mais je trouve que le lieu n’est pas propice à une quelconque rencontre avec des livres. On y est serré et bousculé. L’atmosphère qui y règne est pesante, embourbée dans cette économie marchande de l’objet-livre qui voudrait en faire un commerce prospère quand les badauds, comme moi, viennent surtout y chercher de la littérature, du rêve et de la rencontre. Et ça crie dans le haut-parleur : « l’auteur untel signe en ce moment son dernier livre au stand 21 des éditions trucs-muche ». L’apogée de la littérature entrée dans l’ère de l’événement. On y croise aussi certains auteurs, une pile de livres posée devant eux, assis et ne trouvant aucune contenance face au péril de cette mise en spectacle, assis et découragés face à au vide que constitue leur lectorat absent. C’est une image de la solitude de l’écrivain qui m’émeut, sincèrement.

Cette année, une fois n’est pas coutume, j’avais décidé de me rendre à l’Escale du Livre, salon annuel à Bordeaux. J’avais prévu d’y aller seul, mais allez savoir pourquoi, la veille, je décidai d’emmener Matisse, mon fils de sept ans. Je savais déjà, alors que le tramway franchissait la Garonne, qu’il allait  falloir concilier entre flânerie vaguement rêveuse et attraction nécessaire pour maintenir la curiosité de mon fils. Je savais déjà que je n’irais pas, comme j’avais osé l’imaginer, écouter Onfray faire sa présentation de la philosophie de H. D. Thoreau. Toute initiation exige de soi une part de sacrifice que l’on transmet à l’autre : ce que l’on perd d’un côté se retrouve offert au centuple de l’autre côté, dit-on. C’est donc avec une espérance de bonheur que je narguais la longue file d’attente devant la salle du conférencier, et m’engouffrais dans le salon avec mon gamin.  Je m’étais fixé un objectif secondaire en venant à cet endroit : trouver une certaine Marianne pour établir un premier contact (je m’étais engagé à écrire un article pour la revue qu’elle dirige et j’aime, dans la mesure du possible, passer du virtuel au réel). Ne l’ayant jamais vu ailleurs que sur la photo de son profil et considérant la foule, venue nombreuse au salon, j’abaissai rapidement mon objectif de secondaire à tertiaire, de tertiaire à probable, de probable à « on va laisser le hasard faire son œuvre »…

L’ange disparu

Max Ducos
Editions Sarbacane, 2008

L'ange disparu, Max Ducos, éditions Sarbacane

Digression 2 : L’ange a disparu

La visite du salon avec mon fils se déroulait bien. On commença par le secteur jeunesse. Les enfants veulent tout acheter, comme leurs parents, c’est bien connu. Aussi, devançant cette acquisition présumée compulsive et désordonnée, je limitai l’achat à un livre, en insistant sur la nécessité de bien choisir, de prendre son temps, de fureter, de feuilleter, de toutes ces sortes de conseils que les parents consciencieux trouvent bon de donner… Ce fut néanmoins rapide car, à peine avions nous franchi le seuil du premier stand, qu’il fondit littéralement (en poussant des petits cris : celui là ! celui là !)  sur un livre très coloré, aux formes et aux couleurs de Mondrian, intitulé : « L’ange disparu » de Max Ducos.  Étonné par la rapidité de son choix et  passablement déçu du peu d’écoute que trouvèrent mes conseils avisés (et je le soupçonnais dans le fond d’avoir cédé à la compulsion, le livre avec son grand format et ses couleurs vives perçait l’étal, on ne voyait que lui, tel un totem marketing planté en plein désert), je tâchais de le faire parler : Mais pourquoi celui-là ? Pourquoi pas un autre ? Ne veux-tu pas en feuilleter d’autres ? Le questionnant, je parcourais et jaugeais le livre : un enfant visite un musée quand il est soudain interpelé par une Vénus qui lui apprend que son petit ange a disparu. L’enfant mène son enquête dans le musée, interrogeant les tableaux qui l’aident à trouver l’angelot. Passant de tableau en tableau, la quête – et le livre – est une occasion de se promener à travers toute l’histoire de l’art, de Poussin à Yves Klein… Non non ! celui-là !  insista-t-il en m’expliquant alors que cette histoire, il l’avait vue cette année, lors d’un spectacle à l’espace culturel… Cela me revint : des amis l’avaient en effet emmené voir une adaptation de ce livre (mise en scène par la Cie Les marches de l’été) et je me souvins de son enthousiasme à nous raconter l’histoire, pêle-mêle… Sa mère et moi ne comprenions pas toujours, mais ç’avait l’air d’être vachement impressionnant comme histoire…

Cette histoire l’avait marqué : elle était mystérieuse, faisait référence aux tableaux comme il y en avait dans les livres de son art-plasticienne de mère, abordait des thèmes qui interrogent les enfants : la séparation, la perte de soi, l’errance, la peur… Son choix n’avait donc rien de compulsif mais répondait à des questions qu’avait posées le spectacle. Sans doute espérait-il, à travers ce livre, y trouver quelques réponses… Et puis enfin ! Comme Eloi, le petit garçon, nous avions, nous aussi, trouvé l’ange disparu ! Nous ne pouvions pas l’abandonner ici. C’est ainsi que nous l’embarquâmes dans notre frêle esquif.

L’heure du retour en Ithaque n’ayant pas sonné, nous reprîmes la route.

Ulysse et les sirènes (détail d'une poterie, 460-480 av. JC)

Oku no hoso-michi
L’Etroit Chemin du fond

BASHÔ
traduction, notes et commentaires
par Alain WALTER
Editions William Blake & Co, 2007

Oku no hoso-michi/ L’Etroit Chemin du fond, BASHÔ

Digression 3 : Impasse de l’étroit chemin du fond

Nous continuâmes, l’ange, mon fils et moi, à dériver une petite heure parmi les livres jeunesse puis nous abordâmes le pavillon des livres pour les grands. Cheminant de stand en stand, feuilletant un livre par ici, regardant les couvertures des autres par là, scrutant de temps en temps les visages dans l’espoir d’y trouver celui de Marianne, je reconnus soudain Alain Walter, mon professeur de littérature comparée de deuxième année de Lettres Modernes : il dédicaçait sa traduction de Bashô, L’étroit chemin du fond, sur le stand des éditions William Blake. En grande discussion avec un couple, j’attendis patiemment mon tour de l’aborder et de lui parler un peu. Lui m’avait fait rencontrer Moby Dick, un jour. Peut-être avait-il des nouvelles du capitaine Achab, qui sait ? Avec lui, je m’étais engouffré dans la jungle, au milieu de nulle part, là où se trouve le Partage des eaux d’Alejo Carpentier. Souvenirs lointains mais vivaces, ces lectures remontaient en moi tandis que j’observais patiemment mon professeur. Avec lui, j’avais écrit mon premier mini-mémoire sur Marguerite Duras : « La recherche psychanalytique du Père dans l’Amant« , quelque chose de cet acabit, je l’ai encore dans un carton. Au-delà de la lecture et de l’étude psychanalytique de l’œuvre, je me souvins du plaisir que j’avais pris à réaliser ce mini-livre comme si ç’avait été une vraie édition. A l’époque les moyens informatiques étaient rudimentaires : l’épreuve avait été tirée en un exemplaire sur une imprimante matricielle, reliée artisanalement, et j’avais agrémenté la couverture d’une illustration que m’avait faite, pour la circonstance, Cécile, mon art-plasticienne de compagne. J’avais eu une très bonne note et en avais été pas peu fier.

Je feuilletais l’ouvrage de Bashô, à la couverture sobre et intrigante. Je me rappelais que Walter parlait souvent du Japon dans les digressions qu’il s’accordait, des voyages qu’il avait faits, du temps où il était lecteur là-bas… Matisse me tira soudain de ma rêverie. Le temps, pour les enfants, s’étire proportionnellement par rapport à l’inaction qu’il propose. Il chavirait comme un bouchon dans l’eau, il voulait bouger, voir je ne sais quel truc qui avait attiré son regard. La discussion paraissait sérieuse entre l’auteur et ses lecteurs, je remis ma rencontre à plus tard… Par la suite, à chaque fois que je passais devant son stand, il était affairé à discuter avec des personnes différentes… et je me dis que Bashô avait bien de la chance d’avoir trouvé comme ambassadeur de son œuvre un homme aussi dévoué, cultivé et patient que mon professeur de littérature comparée, mais ce ne sera pas pour moi, pas cette fois-ci. Il est des rencontres qui se réalisent et d’autres auxquelles on doit renoncer : la barque avance, la berge est immobile. Seuls les souvenirs confèrent aux rives un semblant de mouvement.

1837 – 1840, journal

H.D. Thoreau
Editions Finitude, 2012

1837-1840, journal - Thoreau

Digression 4 : Île de la finitude

Sortant de l’étroit chemin du fond, l’ange, mon fils et moi  nous tombâmes, en plein milieu du salon, à mille et mille lieues de tout terre habitée, sur une île : celle des Éditions Finitude. Je me souviens alors que Marianne avait répondu, sur Facebook, à l’invitation desdites éditions en précision qu’elle serait présente sur ce stand. Peut-être la trouverais-je, perdue, sur cette île, pensais-je. De plus, c’était la maison qui publiait, en intégralité, la traduction du journal de Thoreau. A défaut du conférencier, je pouvais au moins satisfaire ma curiosité en achetant ce livre qui m’avait attiré ici comme un phare au milieu du salon. Je prévenais mes moussaillons que nous jetions l’ancre ici quelques temps, jusqu’à l’heure du déjeuner. Ils firent la moue, résignés, mais la perspective du repas approchant leur permit de patienter.  Matisse se mit à parcourir son livre et l’ange à jouer à cache-cache avec lui…

Vous avouerais-je que je ne connaissais pas cette maison d’édition, pourtant bordelaise, pourtant décennaire, pourtant à l’origine d’un fonds de publication de qualité, tant par les choix éditoriaux que par la facture de ses livres. Les couvertures avaient toutes une allure un peu vieillotte, rétro, comme imprimées au siècle dernier : gravures, collages, vieilles photographies… Pas de jaquettes rutilantes en papier glacé, pas de pages éclatante de blancheur, pas de portrait d’auteur en quatrième de couverture, la plupart des livres au format de poche… Cet ensemble donnait l’illusion qu’on se trouvait davantage sur le stand d’un bouquiniste que celui d’une maison d’édition. Et ce n’était pas pour me déplaire : les bouquinistes, comme les disquaires, sont souvent des passeurs de rives avec cette particularité, toute appréciable lorsque l’on est humain, d’être en chair et en os.  Et comme passeur de rives, on ne peut guère faire mieux que les éditions Finitude : La maison édite en effet de jeunes auteurs mais aussi des textes et des auteurs plus anciens, souvent oubliés, marginaux, parfois orphelins. Et c’est bien là aussi la mission d’un libraire : donner à l’inconnu sa chance de visibilité. L’éditeur est un capitaine, navigant à vue, capable d’extirper n’importe quel matelot de la brume informe que constitue la création littéraire, et de le ramener sur nos côtes. Après il peut choisir de s’arrêter là et se contenter uniquement de faire jongler les marins, mais c’est un autre métier, il faut bien le reconnaître…

Je trouvais rapidement, car mis en évidence, le Journal de Thoreau. Je tombais également sur un petit livre, intitulé A bord, d’Herman Melville. Sur la couverture, un galion qui me fit penser aux livres d’aventures que j’empruntais à la bibliothèque de l’école dans lesquels j’étais embarqué avec ses flopées de pirates, de flibustiers à la recherche d’hypothétiques îles au trésor…

A bord

Hermann Melleville
Editions Finitude

A Bord, Herman Melville, Editions Finitude

Un jour, en début de soirée, alors que j’étais au large des côtes de Patagonie, écoutant une dramatique histoire de fantômes que racontait un des membres de l’équipage, nous entendîmes un affreux mugissement, quelque chose entre le grognement d’un Léviathan et l’éructation d’un Vésuve, et nous vîmes une brillante traînée de lumière à la surface de l’eau. Le vieux maître d’équipage grisonnant, qui se tenait tout près, s’exclama: «Là, c’est un Poisson du Diable !».

Lisant cela sur la quatrième, je me dis que ce livre me donnerait sans aucun doute des nouvelles du capitaine Achab…

Je ne ferai pas ici la narration exhaustive des trésors découverts sur cette île déserte : Svevo parlant de Joyce, traité de typographie inusuelle ou traité du cafard, Cioran traduit en rébus… Je vous laisse par vous-mêmes en découvrir le contenu mirifique dans les pages de leur catalogue.

Matisse m’avertit des remous agitant notre embarcation (et son estomac) et de la nécessité absolue de lever l’ancre afin de trouver pitance dans des eaux plus poissonneuses. J’allais enfin donner les deux livres choisis à l’ilien sympathique qui tenait ces lieux, quand mon regard fut attiré par une couverture ornée d’un labyrinthe au milieu duquel une silhouette mystérieuse semblait chercher son chemin. Au-dessus on pouvait lire :

L’homme caché, romans,

Pierre Cendors
Editions Finitude, 2006

Curieux, et comme à chaque fois émoustillé quand il s’agit de labyrinthe, je lus la 4e de couverture.

Que savez-vous de moi ?
– Ce qu’on a dit à votre mort, un peu partout : poète visionnaire, homme caché, secret, solitaire, dont la disparition accidentelle à Prague, a façonné une légende, fixé l’élan romantique pour les jeunes générations. Je crois que c’est à peu près tout.
– Vous pouvez me poser une question.
– Pourquoi êtes-vous mort au juste ?

C’était bien assez pour me convaincre de l’impérieuse nécessité de lire ce roman présenté comme le premier de son auteur. Je tendis alors trois livres. Tout en réglant mon achat je demandais, à tout hasard, si l’îlien connaissait ou avait vu une femme répondant au nom de Marianne. La personne me répondit aimablement : « Oh vous savez, moi je suis un ami des éditeurs, je tiens le stand pendant qu’ils assistent à la conférence de Michel Onfray… Je ne peux guère vous aider. Mais vous allez la trouver… » Je ne vis ni Thoreau, ni Onfray, ni Walter, ni Achab. Marianne était restée introuvable. Mais au moins, mon fils et moi, tandis que l’étincelant vaisseau nous ramenait prestement en Ithaque, nous avions la joie et le plaisir de ramener avec nous un ange disparu et un homme caché. La vraie rencontre avec Cendors eut évidemment un peu plus tard, mais là c’est une autre histoire…

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Lisières — Marianne Desroziers

Lisières

Marianne Desroziers,
Couverture de William Mathieu
Éditions Les penchants du roseau, 2012

De l’effleurement en littérature

Premier recueil de nouvelles de Marianne Desroziers, Lisières doit  se lire dans l’idée qu’on va frôler quelque chose, l’effleurer. Ce geste de toucher à peine n’est pas synonyme de superficialité, au contraire : on peut frôler quelque chose sans pour autant passer à côté ni mettre les pieds dans le plat. Frôler c’est caresser l’envie d’entrer subrepticement dans un univers et d’en ressortir sans rien y déplacer : « …le vent a décidé de me frôler, poliment, timidement, comme s’il demandait la permission » peut-on lire dans Depuis les terrasses. On peut ainsi effleurer un visage, frôler un regard et s’en trouver totalement bouleversée (La couverture rouge).  Ce titre Lisières (lisière, avant que d’être le bord de la forêt, désignait au 16e siècle le bord du tissu, ce qui, adapté à un texte, ouvre des interprétations intéressantes) me séduit, même si personnellement  je lui préfère « l’orée » (qui en ancien français se disait orière – même racine que l’ourlet – et je souris à l’idée que l’orière précéda la clairière, apparue au 16e s.). La lisière de la forêt, ce n’est donc ni vraiment la plaine, ni totalement le sous-bois, c’est une frontière « poreuse entre la réalité et l’illusion, le banal et l’extraordinaire, le monde des vivants et celui des morts » (4e de couverture). Mais à la différence des frontières (géopolitiques tout du moins) qui se matérialisent par une ligne de démarcation univoque, la lisière est une zone plus ou moins large souvent mal définie (contrairement à l’illustration du livre qui marque une lisière nette et tranchée) : cette zone je l’associe volontiers à cet état d’entre deux, de somnolence active que nous vivons quand nous lisons, cette manière, dont j‘ai déjà parlé dans ce blog, que nous avons de caresser et d’être caressés par le livre… La lisière c’est l’aube ou le crépuscule, cet état d’entre deux états qui, bien qu’inscrit dans une durée, peut brusquement basculé, sans qu’on l’ait vu venir : c’est exactement l’idée que je me fais de la nouvelle.

Inventaire des objets ayant appartenu à une jeune fille de Bordeaux, Christian Boltanski

Je ne vais évidemment pas déflorer ce que le lecteur doit effleurer seul face au livre. Dans les nouvelles il y est souvent question de mémoire, de réminiscences, de fantômes… J’ai particulièrement apprécié la dernière nouvelle, Marie-Josée, qui sont des variations sur une œuvre de Boltanski : Inventaire des objets ayant appartenu à une jeune fille de Bordeaux. 1973-1990. Cette exposition, présentée au CAPC il y a quelques années, exposait sous vitrine l’ensemble des objets d’une jeune fille bordelaise décédée à l’âge 17 ans.  Marianne Desroziers s’amuse à retracer les vies plurielles et potentielles de cette jeune fille comme autant de vitrines à découvrir. C’aurait pu être un simple exercice de style, à la Queneau ou à la Pérec, mais c’est enlevé, rythmé, cela nous entraîne dans une répétition/variation assez vertigineuse et c’est très réussi. Les deux nouvelles qui cachent à peine leur influence woolfienne, Depuis les terrasses et La couverture rouge m’ont également beaucoup touché par leur sensibilité, la deuxième encore un peu plus par la fugacité captée en quelques mots. Le vice enfin puni, enfin, m’a fait beaucoup sourire, on y trouve une atmosphère borgèsienne mêlée d’Alice au pays des Merveilles et j’ai été très heureux de la visite (partielle et partiale, bien entendu) de cette bibliothèque (qui partage, j’imagine, des livres avec celle de l’auteur).

En un mot comme en mille, lisez Lisières !

Christian Domec, l’éditeur des Penchants du roseau  est d’une amabilité telle que s’il avait pu m’offrir un café (j’ai commandé par mail, étant trop loin de la maison d’édition), il l’aurait fait volontiers.


Poursuivre le voyage :

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Le voyageur sans voyage, Pierre Cendors

Le voyageur sans voyage

Pierre Cendors
Cadex Éditions, 2008

Le voyageur sans voyage, Pierre Cendord, Cadex Editions

Un livre comme une petite boîte

J’aime souvent les petits livres. Un petit livre c’est comme une petite boîte. Enfant, je me souviens que j’aimais les petites boîtes. Je sais bien ne pas être le seul dans ce cas, mais je me souviens que je les adorais avec une fascination inversement proportionnelle à la taille de la boîte. Je leur prêtais le pouvoir quasi magique d’y recéler les mille trésors amassés au cours de notre très longue existence d’enfant. Et puis elle est petite la boîte ! Elle passe inaperçue. En cela, elle correspond avec exactitude à l’idée que l’on se fait d’un cache-trésor, d’un confident des objets trouvés et précieux : ici l’ombrelle en papier et au parfum de vanille d’une glace mangée à la terrasse d’un café, là une petite voiture bancale extraite de cet œuf jaune plastique tant convoité, ici le petit caillou tout blanc qu’on n’a pas jeté dans la rivière, le caillou rescapé… Tous ces objets, pris indépendamment, paraissent d’une immense vacuité aux yeux des adultes mais ils tissent pourtant ensemble un réseau de relations et de résonances qui forment la base des souvenirs mythologiques qui ressurgiront plus tard. Beaucoup plus tard. Car… Continue reading

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